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Bloody Daughter

2012

Musique

76avis

Fille de deux géants du piano, la réalisatrice offre une plongée saisissante au sein d’un clan matriarcal hors du commun. Un autoportrait de famille intense et émouvant.

Troisième fille de la pianiste Martha Argerich, après Lyda Chen et Annie Dutoit, ses deux demi-sœurs, Stéphanie Argerich n’a pas été reconnue par son père, Stephen Kovacevich, autre géant du clavier dont le nom résonne avec une force poétique pour tous les amateurs de musique. Depuis sa plus tendre enfance, elle a entretenu un lien fusionnel avec sa mère, qu’elle accompagnait dans la plupart de ses déplacements et qu’elle filme depuis l’adolescence. Sa relation avec son père, qui ne vivait pas avec elles, était de fait beaucoup plus distante, même si aujourd’hui les liens se resserrent entre eux. Mais le sujet central de Bloody daughter – "sacrée fille", le surnom affectueux que le pianiste américain donnait à Stéphanie –, c’est la relation entre une mère "déesse" à la fois proche et inaccessible et ses trois filles. Un clan matriarcal hors du commun dont Martha Argerich, 72 ans et désormais grand-mère, est à la fois le pilier et l’enfant terrible.

 

Depuis qu’ils ont accédé à la gloire, les médias ont essayé en vain d’approcher Martha Argerich et Stephen Kovacevich. Aussi ce film tourné dans leur intimité est-il en soi un véritable événement. Autoportrait de famille à la fois personnel et universel, Bloody daughter questionne avec une sincérité et une émotion à fleur de peau les liens entre parents et enfants et la part d’opacité qu’ils recèlent, a fortiori quand on est la fille de deux monstres sacrés, absorbés par un mystère plus grand qu’eux-mêmes : la musique. Filmant sa mère dans les moments de sa vie quotidienne – au réveil, au fil de ses constants déplacements, en concert, en répétition, dans sa loge…–, la contemplant dans de beaux extraits d’archives, la confrontant aux films de famille qu’elle a tournés autrefois, Stéphanie Argerich parvient à concilier proximité et distance pour adresser aux siens ce beau "film de réconciliation", qui n’élude ni la douleur ni l’amour partagés. Un film constamment irrigué par une émotion brute qui ne passe ni par les mots, ni par les événements, mais par une approche musicale de la réalité, au plus près des visages, des sensations, du temps qui passe.