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Émirats, les mirages de la puissance

2014

Politique

France

33avis

Incarner un nouvel âge d'or du monde arabe, c'est l'ambition affichée par le Qatar et les Émirats arabes unis.

L'une des réalités politiques méconnues en Occident que révèle le réalisateur Frédéric Compain dans un documentaire très fouillé.
Archaïques, liberticides, financeurs d'organisations armées extrémistes, esclavagistes des temps modernes… : lorsqu'on parle du Qatar et des Émirats arabes unis, les qualificatifs sont rarement élogieux. Pourtant, ces deux micro-États, coincés entre le golfe Arabo-Persique et l'Arabie Saoudite, rêvent d'incarner un futur âge d'or de l'islam, rimant avec culture, science et tolérance. Autrement dit, devenir la nouvelle Cordoue du monde arabe. À l'aube du XIe siècle, rivalisant avec la grande Bagdad, la capitale andalouse des Omeyades brillait d'un éclat universel, entre autres grâce à ses poètes, penseurs et hommes de sciences, d'Avicenne à Averroès en passant par Ibn Arâbi. Que les dirigeants émiratis revendiquent ouvertement ce modèle de progressisme a de quoi surprendre. C'est l'un des nombreux paradoxes qu'éclaire le documentaire en deux parties de Frédéric Compain, Émirats, les mirages de la puissance.

Le grand écart
Boostés par les revenus illimités du pétrole et du gaz, le Qatar et les Émirats arabes unis ont investi en quarante ans quelque 2 000 milliards de dollars pour moderniser leurs territoires. Partout, des temples de la culture sortent du sable : Louvre et Guggenheim à Abu Dhabi, musée d'art islamique à Doha et à Sharjah, opéra à Dubaï… Le Qatar seul dépense chaque année un milliard de dollars pour acheter des œuvres d'art. Des intellectuels de l'ensemble du monde arabe viennent y travailler, vantant la modernité de ces nouvelles terres d'accueil en matière d'écologie, de sciences ou d'architecture.
Mais comme le montre Frédéric Compain, ce rayonnement incontestable s'accomplit au prix d'un grand écart permanent. D'un côté, les universités des émirats comptent plus d'étudiantes que d'étudiants et de nombreux postes à responsabilités sont ouverts aux femmes ; de l'autre, la loi islamique régit toujours les rapports entre les deux sexes. En matière de divorce, d'héritage et de droits parentaux, les hommes restent en position de force. Le Qatar a financé et finance encore des organisations islamistes radicales. Et non loin des hôtels de luxe prisés par les touristes internationaux, les immigrés travaillant sur les chantiers sont sous-payés, voire maltraités... L'horizon de la "nouvelle Cordoue" deviendra-t-il le ferment de changements plus décisifs, par exemple d'un réel progrès social ? Le réalisateur se garde de trancher.

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