Deux jeunes hommes, tous deux prénommés Gerry, partent se promener dans le désert californien, vers une destination connue d'eux seuls. Ils ne tardent pas à se perdre. Sans carte, sans eau, sans rien, ils sont désespérément seuls.

Terra incognita

Tourné en 2001 en moins d'un mois, Gerry est le premier volet d'une trilogie que compléteront les deux films suivants de Gus Van Sant, Elephant et Last days. Gerry avait déjà acquis le statut de film culte que seuls quelques rares spectateurs avaient eu la chance de voir, lorsque le succès d'Elephant lui permit d'être distribué plus largement. On put alors découvrir une œuvre qui ne ressemblait à aucune autre. Depuis, comme tous les films qui affichent une certaine radicalité, Gerry partage son public entre ceux qui acceptent de vivre le voyage qu'il propose et ceux qui y restent insensibles. Composé de très longs plans séquences, quasiment sans paroles et sans action, proche de l'expérimental tout en étant très structuré, le film crée une atmosphère hypnotique, suscite des sensations inédites et invite à s'enfoncer, comme les personnages, dans des territoires inconnus. Inspiré par un fait divers, d'une simplicité presque provocante, le récit se transforme progressivement en une fable métaphysique d'une rare beauté. Contre le style dominant, Gus Van Sant entend opérer avec Gerry un retour radical et exigeant aux origines du cinéma : un film sans enjeux dramatiques, sans psychologie, sans spectaculaire, fait seulement de durée, d'espace, de mouvement, de silence. Une quête de l'essentiel et de la pureté qui va de pair avec ce que vivent les deux personnages, confrontés à leur finitude dans un espace nu et originel. Car Gerry n'est pas qu'un simple exercice de style. Tout y est tellement épuré que chaque parole, chaque geste se charge de sens. On vit la même expérience essentielle que ces deux garçons qui éprouvent tragiquement leur amitié et prennent peu à peu conscience qu'ils ne reverront peut-être plus jamais personne.