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Le dernier des injustes

2013

Histoire

Autriche, France

0avis

Récompenses:

César 2014 - Nommé : Meilleur film documentaire

En donnant la parole au dernier doyen des Juifs du ghetto de Theresienstadt, Claude Lanzmann met en lumière les cruels dilemmes auxquels les nazis ont soumis les conseils juifs. Un témoignage exceptionnel.

"Quand le train arrivait en gare de Bohusovice, le voyage était fini et les illusions aussi", écrit Benjamin Murmelstein dans son livre Terezin, il ghetto-modello di Eichmann, publié en 1961. C'est avec la puissance évocatrice de ces mots que Claude Lanzmann débute son récit sur ces quais où 140 000 Juifs ont été débarqués entre novembre 1941 et le printemps 1945. Parmi eux, des invalides, des vieillards mais aussi d'anciens juges, des professeurs d'université et des industriels qui ont accepté d'abandonner leurs biens pour vivre dans cette "ville cadeau", havre de paix offert aux Juifs par Hitler. En réalité, le ghetto de Theresienstadt constitue l'ultime étape avant la déportation vers l'Est. Créé en 1941 par Adolf Eichmann, il devait servir à tromper la Croix-Rouge et les Alliés. Nommés par les nazis, les membres d'un conseil juif (Judenrat) devaient, sous l'autorité d'un doyen, en assurer l'organisation administrative. En 1975, à Rome, Benjamin Murmelstein, le dernier président du conseil juif du ghetto de Theresienstadt, seul "doyen des Juifs" à ne pas avoir été assassiné, compare son rôle à celui de Shéhérazade dans les Mille et une nuits : "J'ai survécu parce que je devais dire un conte, le conte du paradis des Juifs, Theresienstadt."

Portrait sans fard
Au moment du tournage de Shoah en 1985, Claude Lanzmann s'entretient avec le controversé Benjamin Murmelstein, ancien rabbin à Vienne, autour de la collaboration, un témoignage exceptionnel qu'il n'exploitera pas au montage. Dans ce film, le réalisateur fait dialoguer ces séquences avec des extraits d'un film de propagande nazi de 1944 et des images des lieux qu’il a tournées. Au travers du portrait sans fard de Benjamin Murmelstein, personnage complexe, tout à la fois lucide et malicieux, décédé en 1989, ce film engagé éclaire sur les mécanismes de la solution finale dont Murmelsein affirme alors ignorer l'existence, démasque l'ignoble duplicité d'Eichmann et dévoile les cruelles contradictions auxquelles furent soumis les doyens des Juifs, "toujours entre le marteau et l’enclume". Lorsque Lanzmann lui fait remarquer son incroyable sang-froid face à l'horreur de son récit, Murmelstein, qui use à merveille des métaphores, rétorque : "Un chirurgien qui se mettrait à pleurer pendant une intervention tuerait son patient."

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