À la sortie de la maison d'arrêt où il a purgé une nouvelle peine, Bruno Stroszek promet au directeur de ne plus boire d'alcool, puis s'engouffre dans un bistrot. Il assiste alors à une scène qui le révolte : un souteneur veut "vendre" la prostituée Eva à un autre maquereau. Bruno prend la jeune femme en pitié et la recueille dans son modeste appartement. Ils y retrouvent Scheitz, un vieil original, qui a gardé les lieux en l'absence de Bruno. Mais, harcelé par les souteneurs, le trio décide de partir. Quoi de mieux que l'Amérique pour prendre un nouveau départ ?


Deux ans après avoir dirigé l’acteur non professionnel Bruno S. dans L’énigme de Kaspar Hauser, Werner Herzog en fait le candide malmené de La ballade de Bruno, dont il a écrit en quelques jours le scénario pour lui. Martyrisé dans sa prime enfance par sa mère prostituée, Bruno Schleinstein pour l’état civil (1932-2010) a alors passé plus de la moitié de son existsence dans différents établissements psychiatriques, gagnant sa vie entre deux hospitalisations comme ouvrier et musicien de rue. Des quartiers malfamés de Berlin jusqu’à une bourgade perdue du Wisconsin, où les Indiens exploités remplacent les immigrés turcs d’Allemagne, le réalisateur l’entraîne avec deux improbables compagnons – une fille publique et un vieil homme – dans un Eldorado de pacotille où un nouveau naufrage social l’attend. Profondément humaniste mais aussi sombre et poétique, le film touche par la solitude criante et le destin marqué par la fatalité de ses protagonistes, condamnés à vivre aux marges ou à disparaître. Comme dans un triste écho, c’est après avoir vu à la télévision britannique ce film d’Herzog que le chanteur du groupe Joy Division, Ian Curtis, malade et désespéré, a mis fin à ses jours le 18 mai 1981.